La Banque Transatlantique donne la parole régulièrement à des philanthropes engagés.

Aujourd'hui, Philippe d’Ornano, président de l’entreprise de cosmétiques Sisley, nous présente sa vision de la philanthropie et les actions de la Fondation Sisley-d’Ornano au sein de laquelle il est très engagé.

Vous êtes très investi dans la Fondation Sisley-d’Ornano créée il y a 15 ans.
Quand et comment est né votre engagement philanthropique ?

Mes parents ont toujours essayé d’être utiles. Mon père considérait que l’argent est le fruit du travail, qu’il permet une indépendance, mais qu’il doit rester un instrument qui n’a de valeur qu’en ce qu’il donne la possibilité d’agir.

En 2008, nous souhaitions aider la Ville de Paris à rénover le dôme de Notre-Dame-de-l’Assomption (église des Polonais de Paris), peint par Charles de La Fosse. Ce nouveau projet un peu complexe était une bonne opportunité pour structurer notre démarche et créer la Fondation Sisley-d’Ornano.

La Fondation Sisley-d’Ornano soutient des projets dans des domaines très variés.
Quelles sont les causes qu’elle soutient et quel est son mode d’action ?

Nous avons donné à la Fondation Sisley-d’Ornano un champ d’action et de réflexion large afin de garder une liberté d’action et d’évolution. Cinq axes d’intervention ont été définis : le social, la santé, l’éducation, la culture et l’environnement. Dans les années qui ont suivi, des lignes de forces se sont affirmées : le soutien aux femmes, le combat pour la santé mentale, la lutte contre l’échec scolaire ou encore la défense de notre patrimoine culturel et naturel. Quinze ans après, nous avons soutenu et accompagné plus de 400 causes, petites et grandes, en France et à l’international.

Notre démarche philanthropique naît de rencontres, de contacts humains, d’observations. A des manques ou à un besoin identifiés sur le terrain, nous pouvons répondre rapidement pour faire changer les choses. Nous nous engageons comme peuvent le faire des entrepreneurs, c'est-à-dire en analysant la pertinence d’un projet, en en suivant sa réalisation pour en voir les résultats concrets et l’impact qu’il génère.

La Fondation a notamment soutenu un espace d’accueil pour les femmes victimes des réseaux de prostitution avec l’association Aux captifs la libération.
Pouvez-vous nous parler de ce projet ?

La Fondation Sisley et l’association Aux captifs la libération ont une histoire commune qui a débuté il y a dix ans, autour de l’aide aux femmes victimes de la traite des êtres humains, principalement dans le 18e arrondissement de Paris : l’aide au développement de l’antenne d’accueil Sainte-Rita, au déploiement des tournées-rues, à la création de l’atelier de couture Bakhita, ou encore à la mise en place de soins socio-esthétiques avec le salon de beauté solidaire Joséphine.

L’association Aux captifs la libération mène un travail social auprès des plus exclus, remarquable à différents titres :

  • elle s’inscrit dans une approche systémique : écouter, créer du lien, dispenser des soins somatiques et psychiques adaptés, aider à l’emploi et au logement, proposer des loisirs...
  • elle prend le temps d’aider, pour comprendre les situations individuelles des bénéficiaires, bâtir un programme d’action ensemble et dessiner une trajectoire de réinsertion.
  • elle rassemble une vraie communauté : l’équipe salariée et bénévole de l’association, les bénéficiaires, les mécènes, mais aussi les autres structures, nombreuses, avec lesquelles l’association a l’intelligence de s’associer pour apporter une aide plus solide encore à ceux qu’elle accompagne.

La santé mentale est également une cause qui vous tient particulièrement à cœur.
Quelles sont les actions que vous menez dans ce domaine ?

Les maladies psychiques touchent un Français sur cinq et sont devenues le premier poste de dépense de l’Assurance Maladie. Or elles font peur, sont mal connues du grand public et insuffisamment soutenues. On peut les soigner et les stabiliser, et même dans certains cas les guérir, pour autant qu’on se mobilise. Nous apportons notre soutien à des projets très divers mais qui partagent le point commun de faire une différence.

Pour ne citer que quelques exemples :

  • aide à la publication de l’excellent livre « Psychiatrie, l’état d’urgence » des professeurs Leboyer et Llorca qui dresse un état des lieux de la situation en France et partage des bonnes pratiques à l’international en termes de santé psychique,
  • aide à des structures d’accompagnement de malades ou de leurs proches (Unafam, Clubhouse, Profamille ; IDEAL - l’Institut des pathologies du Développement de l’Enfant et de l’Adolescent, qui verra le jour au cœur de l’Hôpital Trousseau...),
  • aide à la recherche (Fondation Fondamental et Deniker).

En faisant réseau avec d’autres entreprises préoccupées par le sujet, nous souhaitons également mobiliser le grand public, rassembler les acteurs de terrain et contribuer à une dynamique qui permettrait à la santé mentale d’être une Grande Cause Nationale.

Votre aventure entrepreneuriale est avant tout une histoire de famille, puisque Sisley a été fondée en 1976 par vos parents.
Vos enfants sont-ils également associés à vos projets philanthropiques ?

Créer une fondation vous ouvre à une meilleure compréhension des problématiques de notre société. Quand nous choisissons de soutenir un projet, nous rencontrons des professionnels et des personnes remarquables, engagés tous les jours sur le terrain. Ce sont ces échanges humains qui nous enrichissent tous énormément.

Il y a une autre utilité pour une entreprise familiale : l’engagement est de nature à souder l’actionnariat familial, à donner plus de sens encore au-delà de la seule sphère de l’entreprise et de ses salariés. Elle permet de constituer un noyau dur, très lié, qui devient une force pour ces entreprises quand elles cherchent à se développer et grandir. La nouvelle génération familiale est très engagée, à la fois au sein de notre Fondation mais aussi à titre personnel, dans des associations, ce qui est pour nous une vraie fierté. Deux des membres de cette génération, ma nièce et ma fille, font d’ailleurs partie du comité de la Fondation Sisley aux côtés de nos experts, de salariés de l’entreprise et des principaux actionnaires.

Quelles sont les prochaines étapes et ambitions de votre engagement philanthropique ?

En tant que co-président du METI (Mouvement des Entreprises de Taille Intermédiaire), je suis très engagé pour la promotion du mécénat des ETI. Ce sont des entreprises qui travaillent sur le long terme et sont très implantées dans leurs territoires. Sur les dix dernières années, nous constatons que le nombre d’ETI mécènes a doublé : 50% des ETI sont mécènes et 15% ont créé leur fondation.

Un vrai mouvement se dessine, il peut y avoir un véritable effet d'entraînement car il reste beaucoup à faire et de nombreux chefs d’entreprises s’intéressent aujourd’hui à la démarche. Imaginons, demain, que nous passions de 750 à 3 000 fondations d’ETI, pour la plupart hors d’Ile-de-France, dans les territoires, qui seraient engagées sur le terrain proche de leur implantation et connectées par un réseau souple d’échanges. L’impact serait important, une vraie démarche d’intelligence collective. C’est à notre portée.

Repères biographiques

Philippe d’Ornano

Après des études de droit, d’économie et de sciences politiques à Paris, Philippe d’Ornano est entré en 1986 dans l’entreprise familiale fondée en 1976 par son père Hubert d’Ornano. Aujourd’hui Président du Directoire, il dirige une entreprise qui en 25 ans a multiplié par 40 son chiffre d’affaires, réalisé à 93% à l’exportation notamment grâce à ses 35 filiales de distribution. Sisley, leader de la cosmétique haut-de-gamme, est présent dans plus de 90 pays, emploie près de 5000 salariés de 100 nationalités. Sisley crée et fabrique ses produits en France (Saint-Ouen l’Aumône et Blois).

Engagé dans le débat public et la promotion des entreprises françaises, notamment familiales, Philippe d’Ornano est co-Président du METI, mouvement des entreprises de taille intermédiaire (ETI). Il préside par ailleurs le Syndicat Français des Produits de Beauté et est administrateur de la Fédération des entreprises de la Beauté (FEBEA).

En savoir plus :

Sisley

Association Aux captifs la libération