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Interview de Quentin Lelong, analyste financier chez Dubly Transatlantique Gestion.
En 2013, les marchandises chinoises représentaient près de 70% des importations américaines de produits manufacturés d’Asie. En 2022, ce chiffre est tombé à 51% et pourrait bien passer en dessous des 50% cette année. Cette tendance baissière est multifactorielle. Elle débute en 2018 avec l’instauration de droits de douane par Donald Trump dans le cadre de sa politique « America First ». Ce surcoût et les incertitudes qui ont suivi ont jeté un froid dans les échanges commerciaux entre les États-Unis et la Chine.
En parallèle, la progression des salaires en Chine pousse les sociétés à arbitrer en faveur d’autre pays avec une main d’œuvre meilleur marché comme l’Inde et le Vietnam.
Y-a-t’il une volonté américaine de diversifier sa production hors de Chine ?
Oui, c’est ce que nous observons. Le premier objectif affiché est de limiter l’exposition au risque logistique, que les Américains ont subi lors des confinements chinois successifs, qui ont bloqué les chaînes de production entre 2020 et 2022. L’année dernière, les États-Unis ont par exemple mis en place un Accord Commercial et Logistique de l’Indopacifique pour favoriser la production et les échanges entre l’Amérique du Nord et des pays comme l’Inde/Vietnam/Indonésie, et poser ainsi les fondements d’une diversification de la chaîne de production globale. Le deuxième objectif est géopolitique. En 2022, les États-Unis ont mis en place d’importants plans de soutien à la production, comme l’Inflation Reduction Act, qui a pour but de soutenir les industries et les énergies propres sur le sol américain, face à la domination chinoise dans les secteurs de la transition énergétique.
Que font les entreprises américaines dont la production est historiquement implantée en Chine ?
Compte tenu des enjeux de coût de production et des enjeux géopolitiques, de nombreuses sociétés ont adopté la stratégie dite du « dérisquage ». Cette stratégie consiste à diversifier le risque de l’entreprise en investissant dans de nouvelles unités de production hors de Chine. Prenons l’exemple d’Apple. Dès 2007 avec la sortie de l’iPhone, Tim Cook, qui était alors directeur des opérations chez Apple, a parié sur la Chine pour construire ce qui allait devenir une des chaînes de production les plus optimisées jamais conçues. En 2022, Apple y produisait 95% de ses iPhone, iPads, Macs et AirPods en Chine, grâce à des fournisseurs chinois et des assembleurs taïwanais. Pourtant, Apple a discrètement commencé à dérisquer sa production en reconstruisant une partie de sa chaîne de production ailleurs en Asie à l’aide de ses partenaires historiques et de sociétés locales. D’ici 2025, le Groupe devrait produire au Vietnam plus de 90% de ses gammes d’AirPods et 20% des iPads. Plus impressionnant encore, 25% des iPhone, leur produit phare, pourraient être fabriqués en Inde d’ici 2025, contre moins de 3% en 2022.
Peut-on vraiment dissocier les deux plus grandes économies mondiales ?
Reprenons l’exemple d’Apple. Même si l’entreprise veut ancrer sa chaîne de production en Inde pour limiter sa dépendance à la Chine, rien ne dit qu’elle y parviendra. L’Inde a certes une main-d’œuvre bon marché par rapport à la Chine, mais le pays ne dispose pas du même niveau de qualification et d’infrastructures. La chaîne de valeur d’Apple y est d’ailleurs presque inexistante puisque seulement 7% des fournisseurs d’Apple sont présents en Inde, contre plus de 80% en Chine. Conséquence directe : les sites de production d’Apple en Inde restent encore très dépendants des fournisseurs chinois. Au-delà d’Apple, l’Inde n’a d’ailleurs jamais autant importé de biens fabriqués en Chine qu’en 2022, preuve de l’importance de la Chine dans la chaîne de valeur mondiale.
En résumé, à première vue, même si l’économie américaine semble réussir à réduire sa dépendance avec l’économie chinoise, les nouveaux partenaires commerciaux des États-Unis, comme l’Inde ou le Vietnam, restent eux-mêmes largement dépendants de la Chine. Finalement, les sociétés comme Apple seront-elles capables de déplacer leur production hors de Chine sans détruire de la valeur pour l’actionnaire ?
À très bientôt pour un nouveau point Horizon Marchés !
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