Transcription de la vidéo
Horizon marchés : Investir dans un monde de taux plus élevé
Interview de Jean-Patrick :Mousset, responsable de l'allocation d'actifs chez Banque Transatlantique.
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Les marchés financiers ont été fortement secoués depuis le début de l’année. En effet, l’Histoire montre que les cycles de resserrement monétaire ont souvent été suivi de récessions, particulièrement lorsque qu’il y a nécessité de purger l’inflation du système économique.
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L’ampleur des hausses et le niveau de pic des taux dépendra de 3 facteurs :
- Premièrement, du niveau des taux neutres. On définit le taux neutre comme le taux d’intérêt à long terme pour une économie. C’est le taux qui est cohérent avec une croissance à son potentiel. Il s’accompagne d’une inflation stable. Les économistes estiment que ce taux est très bas aujourd’hui : un peu en-dessous de 2% en Europe et un peu au-dessus aux États-Unis.
- Deuxième facteur, le niveau d’inflation. Il est créé par le déséquilibre entre l’offre et la demande, de biens et de services. Une trop forte inflation implique que les banquiers centraux ont besoin d’élever les taux d’intérêt au-delà du taux neutre pour ralentir l’économie et juguler l’inflation. Ce fut le cas dans les cycles précédents et notamment au début des années 80.
- Enfin, les banques centrales prennent en compte dans leur détermination du niveau des taux d’autres paramètres que l’inflation : emploi, croissance, climat…
On pense que dans certains pays (États-Unis et en Grande-Bretagne notamment), les taux d’intérêt devront s’élever au-delà de leur niveau neutre. C’est en raison de marchés du travail très tendus mais aussi de prix immobiliers élevés, deux moteurs de l’inflation sous-jacente.
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Si l’inflation est liée à une simple surchauffe de l’économie, une légère hausse au-dessus du taux neutre devrait être suffisante, sans causer de récession.
Par contre, si les ménages et les entreprises anticipent une hausse élevée et continue des prix, cela enclenche un cercle continu de hausse qui ne s’arrête pas. Une plus forte augmentation des taux est alors nécessaire pour ralentir fortement l’activité et réduire les attentes d’inflation.
Historiquement, plus les hausses de taux sont de grandes ampleurs ou plus elles sont associées à des faiblesses du marché immobilier, plus elles ont de chance d’entraîner des récessions.
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- Pour les obligations d’État ? La soutenabilité de la dette des États face à une hausse des taux longs, ne semble pas menacée. En effet, le taux effectif moyen de cette dette (c’est-à-dire bénéficiant des taux fixes engendrés lors de la décennie passée) reste bas. Et il reste inférieur au taux de croissance nominal de l’économie. Ce qui est le cas dans la plupart des pays aujourd’hui. Par contre, pour l’investisseur, si l’augmentation des taux courts se transmet aux taux longs, cela affecte mécaniquement la valeur de marché de ces obligations.
- Pour les obligations d’entreprises ? si le coût de la dette est appelé à augmenter, leur situation bilancielle s’avère beaucoup plus favorable que lors de la crise de 2008. Les primes de crédit peuvent certes continuer à monter, avec une entrée en récession et une hausse des défauts de crédit, mais les niveaux actuels peuvent constituer des points d’entrée sur la classe d’actifs.
- Et concernant la dette émergente ? Les cycles de resserrement monétaire de la Fed avaient, par le passé, déclenché d’importantes crises dans ces pays. En effet, la baisse de leur devise face au dollar entraînait une envolée du coût de leur dette. La fuite des capitaux et le durcissement des conditions financières les ont poussé en récession. Aujourd’hui, les conditions sont différentes : une grande partie de la dette émergente est libellée non plus en dollar mais en devise locale. Les banques centrales ont accumulé d’importantes réserves en devises étrangères qui leur permettent de faire face à une dépréciation de leur monnaie. Il reste toutefois certains pays (Turquie, Argentine) très fragiles, tant par leurs faiblesses macro-économiques que par leur niveau d’endettement extérieur.
- Pour les actions ? La hausse des taux d’intérêt impacte à la fois le taux d’actualisation mais alourdit aussi la charge financière des entreprises et des ménages. La consommation et l’investissement sont donc affectés.
- Pour l’immobilier ? pour l’immobilier résidentiel notamment, alors que ce marché a grandement bénéficié d’un environnement de taux bas lors de la dernière décennie, la hausse des taux des prêts hypothécaires fait peser un risque sur certains marchés déjà survalorisés (Canada, Australie, Nouvelle Zélande). Avec des revenus récurrents, l’immobilier commercial apparaît davantage protégé contre une baisse des valorisations.
En conclusion, la principale menace aujourd’hui pour les actifs risqués est la persistance de l’inflation à un niveau trop élevé. Le choc d’offre énergétique en cours y contribue fortement. Cela force les banques centrales à durcir leur politique monétaire pour purger l’inflation du système, au prix peut-être d’une récession.
À très bientôt pour un nouveau point #HorizonMarchés.