L'inflation est réapparue à l'échelle mondiale depuis 2021.
Toutefois, il existe des forces déflationnistes puissantes dans le monde.

Quels pays sont les plus menacés ?
Quelles sont les conséquences de cette déflation ?

Depuis 2021, le phénomène inflationniste a ressurgi avec une intensité qui n’avait pas été observée depuis plus de quarante ans, obligeant la plupart des banques centrales à intervenir pour l’endiguer. La situation n’est cependant pas homogène à l’échelle du globe et on observe l’existence de foyers et de forces déflationnistes puissantes.

Tout d’abord, alors que les économies des Etats-membres de l’OCDE mais aussi des grands pays émergents (Egypte, Brésil…) affrontent une forte inflation depuis trois ans, un pays fait face à un phénomène totalement opposé. Il ne s’agit pas moins que la deuxième économie du globe : la Chine. Depuis l’été 2023, elle connaît une contraction des prix des biens et des services. Le pays a maintenu une politique de confinement stricte plus longue qu’ailleurs et n’a pas connu le rebond d’activité observé un peu partout dans le monde. Dès juillet 2023, alors que l’inflation s’établissait en France à 4,5% et à 3% aux Etats-Unis, les prix connaissent une contraction de 0,3% en Chine. Ce phénomène traduit une faiblesse de la demande intérieure, les ménages préférant reporter à plus tard leurs achats de biens et de services dans l’espoir que les prix reculent davantage. Les entreprises sont alors contraintes de réduire leur production afin d’éviter une accumulation coûteuse de leurs niveaux de stocks. S’il s’installe durablement, ce phénomène peut entraîner le pays dans une spirale déflationniste aux conséquences néfastes.

En outre, l’économie chinoise est plombée par une crise immobilière sans précédent qui vient également alimenter ce mécanisme. Ce secteur, qui représente environ un quart du PIB du pays, est à l’arrêt essentiellement parce que le stock de logements vacants atteint des niveaux sans précédent. En conséquence, et à rebours du reste du monde, la Banque Populaire de Chine se voit contrainte de poursuivre une politique monétaire expansionniste afin de ne pas étouffer le crédit.

Sous nos latitudes, on constate en revanche que, si l’inflation a nettement reflué depuis ses sommets observés à l’hiver 2021, elle semble aujourd’hui bloquée autour des 3%, obligeant de fait les banques centrales à maintenir un biais restrictif. Le taux d’emploi est en effet au plus haut depuis près de quarante ans des deux côtés de l’Atlantique. Le prix de l’énergie connaît de son côté une forte remontée depuis le début de l’année. Le baril WTI progresse ainsi de plus de 15% depuis le 1er janvier. Le 10 avril dernier, la publication de l’indice CPI américain a sonné comme un coup de semonce. Cette statistique qui mesure l’évolution des prix des biens et des services a en effet progressé, une première depuis des mois, alimentée notamment par les prix de l’énergie. Si la tendance venait à s’inverser, elle permettrait à nouveau un reflux des biens et des services. Rappelons en effet que les prix élevés de l’énergie sont notamment conditionnés par des coupes drastiques de la production des pays membres de l’OPEP+ et qu’une reprise de celle-ci entraînerait les prix sur une pente baissière. Sans conduire l’économie mondiale dans une spirale déflationniste, un dégonflement des prix de l’énergie offrirait un second souffle au ralentissement de la hausse du prix des biens et des services dans les Etats affrontant l’inflation.

D’autres forces constituent également des menaces déflationnistes de long terme

Contre toute attente, et suite à la pandémie de COVID-19, on constate une décélération de la démographie mondiale. La Chine n’est plus l’Etat le plus peuplé du monde. Les plus de 60 ans y représentent désormais près de 20% de la population contre 13% il y a dix ans, soit une progression de près de 50% en une décennie ! Dans le même temps, des pays comme le Japon, la Corée du Sud, la Fédération de Russie ou l’ensemble des pays d’Europe de l’Est affrontent un recul de leur population en valeur absolue.

A plus court terme, des pans entiers de la production mondiale font face à une puissante vague déflationniste. Le secteur automobile en incarne la plus parfaite illustration. La Chine subventionne massivement ce secteur. 35% des voitures électriques exportées dans le monde sont chinoises. Alors que Luca de Meo, Directeur Général du groupe Renault rappelle que le secteur automobile représente 7% de l’économie européenne et une part significative des dépenses de recherche et développement, la vague qui se profile risque non seulement de fragiliser un pan entier de l’économie mais aussi de conduire à un engrenage baissier des prix de ces biens. Une aubaine à court terme pour les consommateurs, une menace à moyen terme pour les millions de salariés œuvrant dans ce secteur. Ainsi, si les projecteurs jettent actuellement leurs feux sur l’inflation, il ne faut pas pour autant rester sourd aux signaux faibles. Les forces déflationnistes peuvent ressurgir à tout moment.

Par Pierre Carpentier, responsable de la gestion
Achevé de rédiger le 03/05/2024


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