Vertex, une jeune entreprise de biopharmaceutique, est parvenue au bout de 30 ans à voir son traitement contre la mucoviscidose approuvé et connaître un véritable succès commercial.

Comment la société a confirmé sa capacité d’innovation en s’alliant avec des start-up et ainsi acquérir de nouvelles technologies ?

Une entreprise tournée vers l'avenir

Vertex est une entreprise de biopharmaceutique ancrée dans le bassin d’innovation de Cambridge, près de Boston dans le Massachusetts.

Cette entreprise a été créée en 1989 par un ancien chimiste de Merck, frustré du manque de liberté que les chimistes avaient dans une grande entreprise. Aujourd’hui, Vertex a une capitalisation boursière de $75 milliards et son PE 2023 est de 21x. A travers ses propres travaux mais aussi des collaborations et des acquisitions, Vertex tente de remplir son objectif premier de « devenir la société de biotechnologie du 21e siècle ».

Depuis fin 2019, cette entreprise peut se vanter d’avoir trouvé un traitement efficace pour 90% de la population atteinte de la mucoviscidose1. Avec un chiffre d’affaires de $7,6 milliards, des dépenses en R&D2 de $3,5 milliards et 60% des employés travaillant dans la R&D, Vertex est une entreprise tournée vers l’avenir, avec l’ambition de traiter la mucoviscidose, la drépanocytose, la béta-thalassémie, la maladie de Duchenne et le diabète de type 1 mais aussi de créer un antidouleur sans opiacé.

Vertex est un champion de l’innovation depuis 1989

La mucoviscidose est une maladie héréditaire rare provenant de mutations génétiques qui affectent en particulier les poumons. L’espérance de vie d’une personne atteinte de la mucoviscidose est aujourd’hui supérieure à 40 ans. Le chiffre est faible mais en constante augmentation grâce aux travaux de Vertex. Il y a encore quelques années, l’espérance de vie ne dépassait pas les 25 ans et le traitement était très sommaire : kinésithérapie et ventoline.

Il a fallu à Vertex près de trente ans pour transformer son idée en traitement révolutionnaire. Dans les années 90, Vertex commence ses recherches dans la thérapie génique contre la mucoviscidose mais le premier essai clinique commence en 2006. Après plusieurs lancements de médicaments depuis 2013 c’est seulement fin 2019 que la trithérapie Kaftrio est approuvée, traitant 90% de la population malade.

Cette trithérapie est un succès commercial incontestable : en 2020, la franchise3 a engrangé $3,9 milliards et a crû de presque 50% en 2021 pour atteindre $5,7 milliards en 2021. En deux ans, ce médicament représente déjà 75% des revenus de l’entreprise. Cette franchise promet un revenu récurrent jusqu’en 2037 au moins, année d’expiration du brevet.

Evolution du chiffre d'affaires par médicament (2013-2021, m$)

Evolution du chiffre d'affaires par médicament

Source : Rapports annuels Vertex

Depuis 2015, Vertex s’allie à CRISPR Therapeutics afin d’innover

Vertex continue ses recherches afin de traiter les 10% des mutations restantes et améliorer sa trithérapie existante.

Dans ce cadre mais aussi pour développer son champ d’action, Vertex collabore avec CRISPR Therapeutics (Tx), l’entreprise fondée par Emmanuelle Charpentier, lauréate du prix Nobel de Chimie en 2020.

La technologie CRISPR est un système permettant d’éditer le génome humain. Le principe consiste en substance à découper certaines parties d’ADN afin d’en permettre la reconstruction, à l’aide d’actifs tels que l’ARNm.


Schéma CRISPR

Source : site CRISPR Tx

Le 27 septembre 2022, Vertex a annoncé que la thérapie exa-cel, développée en collaboration avec CRISPR Tx, avait terminé la phase 3 des essais cliniques et devrait être approuvée d’ici la fin du T1 2023. Ce médicament serait alors le premier traitement CRISPR approuvé par la FDA.

CRIPR Tx est aussi en phase de recherche en oncologie, contre le diabète de type 1 et contre d’autres maladies génétiques moins connues du grand public. Vertex est son allié privilégié.

Depuis 2019, Vertex relève le défi contre le diabète de type 1 grâce à ses acquisitions

Vertex s’est donné un nouveau défi : traiter le diabète de type 1, une maladie auto-immune touchant près de 6% de la population mondiale. La technologie la plus prometteuse est celle des cellules souches. Bien qu’étant elle-même une jeune entreprise, Vertex n’hésite pas à recourir à des acquisitions externes d’entreprises innovantes, pour atteindre cet objectif.

Ainsi, en 2019, elle a acquis Semma Therapeutics, une entreprise privée fondée par Docteur Douglas Melton, professeur à l’Université de Harvard. L’acquisition a coûté $950 millions, soit près de 100% du free cashflow de Vertex pour l’année 2019. Semma Therapeutics développe une solution de traitement contre le diabète de type 1 grâce à une greffe de cellules souches, résistante à la réponse auto-immune du diabétique. En 2021, cette thérapie a prouvé son efficacité avec un patient de l’essai clinique qui a pu se passer d’insuline pendant 90 jours.

Afin d’accélérer les recherches dans ce domaine, Vertex est en cours d’acquisition d’une autre société, ViaCyte, pour $320 millions. ViaCyte développe également des solutions grâce à des cellules souches mais aussi en tandem avec CRISPR Tx. Ces traitements sont encore en phase de recherche ou en essai clinique précoce mais pourraient révolutionner le traitement du diabète, jusque-là traité par des injections journalières d’insuline.

Vertex, l’entreprise de biopharmaceutique du 21e siècle ?

Pour l’instant, Vertex reste tout de même une valeur volatile comme beaucoup de valeurs du secteur de la biotechnologie. Si l’ascension de Vertex a été fulgurante en 2021-2022, il faut néanmoins garder en tête les aléas d’une valeur reposant sur des essais cliniques en cours : en juillet 2020, Vertex a dû mettre fin à un de ses essais cliniques et son cours de bourse a chuté de 20% en une séance et de 40% en l’espace de quatre mois. Les valeurs de biotechnologie sont ainsi volatiles et dépendent d’un pipeline dont les chances de réussite sont d’une sur dix.

Néanmoins, depuis 2019, Vertex glane enfin le fruit des efforts déployés depuis les années 90. L’entreprise ne se repose pas sur ses lauriers malgré les 15 ans restants avant la chute du brevet sur le kaftrio. Avec une trésorerie nette de presque $11 milliards prévue en 20224, l’entreprise est libre d’allouer ses cashflows de la franchise kaftrio à la recherche de nouveaux traitements.

Son partenariat avec CRISPR lui donne aussi un avantage important dans le développement de traitement innovant dans les maladies génétiques.

La stratégie de Vertex semble ainsi promettre un bel avenir pour le traitement de maladies génétiques pour l’instant incurables.

Achevé de rédiger le 28/10/2022 par Valentine Rousseau, analyste au sein de Dubly Transatlantique Gestion.

170 000 personnes sont atteintes de la mucoviscidose.

2Chiffres GAAP comprenant les rémunérations en action  dépenses R&D non-GAAP 2021 : $1,7Mds.

3Marque de distribution d’un médicament, en l’occurrence : le kaftrio.

4Estimations Morgan Stanley.