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Entretien avec Stephen Schwarzman, grand mécène du Château de Chambord

Trois cents ans après avoir été dessinés sur commande de Louis XIV, les jardins à la française de Chambord, qui ont disparu, faute d’entretien, pendant l’entre-deux-guerres, retrouveront leur lustre. Ce projet de replantation de 600 arbres, 800 arbustes, 200 rosiers et 18 874 m2 de pelouse, qui ressusciteront fidèlement ce splendide parc, n’aurait pu voir le jour sans le don exceptionnel d’un philanthrope américain, Stephen Schwarzman, fondateur de Blackstone. Stephen Schwarzman livre au Fonds de Dotation Transatlantique ses motivations et son coup de cœur pour ce fleuron de l’art de vivre à la française.

Fonds de Dotation Transatlantique (FDT) : M. Schwarzman, pourriez-vous nous parler en deux mots du philanthrope, derrière l’homme d’affaires ?

J’ai créé Blackstone en 1985. C’est aujourd’hui le premier gestionnaire d’actifs alternatifs au monde (ndlr : 367 milliards de dollars sous gestion fin 2016). C’est, depuis, une belle aventure, et c’est à mon sens un devoir, quand on a réussi, de rendre à la société, et de partager les fruits de son succès. Je veux permettre aux plus jeunes d’avoir accès à une éducation d’excellence (ndlr : M. Schwarzman est l’un des grands mécènes du Archdiocese of New York’ s Inner-city Scholarship Fund, qui finance la scolarité dans des écoles catholiques d’enfants issus de milieux modestes, et a soutenu Yale University en 2015 par un don 150 millions de dollars).

Il y a quatre ans, j’ai initié un programme international de bourses d’étude, « Schwarzman Scholars », à l’université Tsinghua de Pékin (ndlr : un projet chiffré à 450 millions de dollars), afin de créer des liens entre les leaders chinois et internationaux de demain.

Je suis également très sensible au soutien de la culture et de la diffusion des savoirs – je suis impliqué aux côtés de la New York Public Library, que j’ai accompagnée dans sa mutation en une bibliothèque ouverte à tous les New Yorkais, notamment à ceux qui n’auraient pas, auparavant, osé y pénétrer (ndlr : M. Schwarzman a fait un don de 100 millions de dollars en 2007).

FDT : Votre don à Chambord est d’une générosité inouïe (3,4 millions d’euros). Pourquoi Chambord ?

J’aime profondément la France. Il n’y a pas de pays plus élégant ! J’y séjourne régulièrement et j’y ai noué de nombreuses amitiés. Mon épouse (qui a étudié à l’école du Louvre) et moi-même avions envie d’aider la France et son patrimoine (ndlr : le couple est déjà mécène du Château de Versailles et du musée des Arts Décoratifs à Paris). Chambord porte une image de la France dans le monde, c’est un site emblématique du patrimoine. J’ai été fasciné par le projet de restitution de ses jardins à la française dessinés sous Louis XIV, porté par quinze ans de recherches documentaires, de prospections archéologiques et d’études paysagères. C’est un rêve fou : faire revivre, à l’identique, les superbes jardins du Château de Chambord tels qu’ils ont été dessinés en 1734 ! Ce château est splendide, mais, sans ses jardins, il manquait quelque chose. Cette initiative devrait également contribuer à attirer plus de touristes et encourager l’emploi local. Ce projet ambitieux, porté par Jean d’Haussonville, visionnaire directeur du domaine, nous a séduits.

FDT : Souhaitez-vous adresser un message aux philanthropes qui nous liront ?

Je souhaite lancer un appel aux grands mécènes de ce monde pour qu’ils soutiennent Chambord, et les autres trésors du patrimoine français ; et au-delà : susciter des vocations généreuses parmi les grandes fortunes françaises qui ne seraient pas aujourd’hui impliquées dans la philanthropie. Si mon don permet de donner un coup de pouce, de déclencher l’envie de donner chez certains de mes pairs, j’aurai gagné mon pari.