Vous avez été administratrice de plusieurs structures philanthropiques ces dernières années. Quelles sont les origines et les motivations de votre engagement ?
Durant ma carrière dans l'industrie de la santé, en tant que dirigeante d'entreprises ou de divisions, j'ai très tôt été exposée au monde philanthropique. Aux États-Unis notamment, les associations de patients sont extrêmement organisées et influentes. Travailler avec des organisations comme l'American Alzheimer Association m'a permis de constater l'impact majeur qu'elles ont sur l'accompagnement des patients et de leurs familles. Leur soutien lors du diagnostic et les conseils précieux qu'elles prodiguent pour la gestion de la maladie, tant à court qu'à long terme, sont essentiels.
Lorsque j'ai quitté mes fonctions exécutives pour devenir administratrice et advisor pour diverses organisations liées à la santé, j'ai souhaité consacrer une partie de mon temps à des initiatives philanthropiques. C'était pour moi une façon de redonner à la société et d'utiliser ma liberté nouvelle pour soutenir des causes qui me tiennent à cœur.
Vous avez co-présidé le fonds de dotation 101.
Pourriez-vous nous parler de votre intérêt pour le progrès de la réanimation ?
Lorsque le Professeur Chiche m’a demandé de l’aider dans la création du fonds de dotation 101 (One O One), c’est tout naturellement que je me suis engagée à ses côtés. En effet, je suis convaincue de l’importance de l’analyse et de l’apprentissage de tous les cas cliniques pour améliorer la santé des futurs patients. Le Professeur Chiche avait une vision très innovante à l’époque : collecter et analyser les données de réanimation de milliers de malades, traitées dans de nombreux hôpitaux, pour développer des protocoles plus adaptés à chaque patient et ainsi réduire la mortalité des patients ou la durée de leur séjour en réanimation. En structurant le fonds de dotation, nous avons aussi réfléchi au rôle des proches, et à comment les aider pour soutenir le patient au mieux.
Pourquoi avez-vous souhaité rejoindre la direction de la Global Alzheimer’s Platform Foundation ?
J’ai rejoint le conseil d’administration de la Global Alzheimer Platform Foundation à Washington D.C, car j’ai travaillé assez longtemps sur cette maladie. Jusqu’à très récemment, il n’existait aucun médicament qui pouvait altérer le cours de la maladie – seuls les symptômes étaient traités. La Fondation partait du principe qu’accélérer les essais cliniques serait un catalyseur de l’innovation médicale dans le domaine et permettrait d’amener de nouveaux médicaments plus rapidement sur le marché. Elle a analysé les freins aux essais cliniques et a réalisé que l’identification des patients en amont, avec une analyse de leur diagnostic permettait aux laboratoires pharmaceutiques de recruter les patients des essais cliniques beaucoup plus vite. Elle a donc proposé aux laboratoires pharmaceutiques de travailler en amont, de façon « précompétitive » grâce à leurs dons. Le premier médicament pour la maladie d’Alzheimer a été lancé par Biogen et Esai, tous deux partenaires de la Fondation.
Vous avez également publié un livre intitulé « La Tech va humaniser la santé ». Quelle place prend l’intelligence artificielle responsable dans votre engagement ?
Dans « La Tech va humaniser la santé », j’explique comment l'innovation technologique stimule et accélère l'innovation médicale par des synergies efficaces. La Tech a déjà permis des avancées majeures, notamment en analysant rapidement les données des patients, en détectant très tôt des anomalies et en anticipant des problèmes de santé avant qu'ils ne deviennent critiques.
Un point central de mon livre est que la technologie libère les médecins de la gestion des données, leur permettant de se concentrer sur l'essentiel : le patient. Le médecin doit pouvoir se consacrer au patient, plutôt que de perdre du temps à collecter, agréger et analyser les données.
Cet aspect est particulièrement crucial en réanimation, où les cas sont souvent complexes avec des symptômes multiples. Dans ces situations, l’intelligence artificielle peut fournir des analyses d'une précision et d'une rapidité impossibles à obtenir par le seul cerveau humain en temps réel.
Cette réflexion m’a également fait réaliser l'importance de sensibiliser le public à ces enjeux. La technologie ne doit pas être perçue comme une menace ou une intrusion, mais comme une opportunité d'améliorer les soins. C’est pourquoi je me suis aussi engagée aux côtés de la Fondation Abeona, qui œuvre à éduquer les citoyens sur l'intelligence artificielle, afin que son développement profite à tous.
À votre avis, quel rôle peut tenir la philanthropie dans le développement de la recherche ?
La philanthropie joue un rôle crucial dans le développement de la recherche. Par exemple, la Michael J. Fox Foundation aux États-Unis finance de nombreux projets de recherche sur la maladie de Parkinson, avec des standards scientifiques très élevés. Obtenir une bourse de leur part est un véritable gage de crédibilité pour une biotech travaillant sur ce sujet.
De même, la Bill & Melinda Gates Foundation a considérablement contribué à la recherche sur les maladies tropicales, pour lesquelles les entreprises cotées en bourse investissent moins, car ces maladies sont perçues comme moins « rentables ». Grâce à des financements philanthropiques, des avancées significatives ont pu voir le jour dans des domaines souvent négligés par l'industrie.
En France, la Fondation de France soutient à la fois l'accompagnement des patients et le financement de projets de recherche. Ces contributions permettent de combler des lacunes, de soutenir des projets innovants et d'accélérer des découvertes qui bénéficient directement aux patients.
Repères biographiques
Pascale Witz a été Présidente et Directrice Générale de GE Pharmaceutical Diagnostics, une société pharmaceutique mondiale, et Vice-Présidente Exécutive de Sanofi, en charge des Divisions Pharmaceutiques et Santé Grand Public.
Avec plus de 35 ans d'expérience dans l’industrie de la santé, elle accompagne aujourd'hui des dirigeants dans leurs stratégies de création de valeur, à travers PWH Advisors, société dont elle est la Présidente et Fondatrice.
Actuellement, Pascale préside le conseil d'administration de RTI Surgical, Inc., aux États-Unis, et siège également aux conseils d'administration de Fresenius Medical Care, leader mondial de la dialyse, et de Revvity, une société des sciences de la vie à la pointe du diagnostic et des instruments d’analyse.
Pascale Witz consacre une part importante de son temps à des activités philanthropiques. Elle est membre du conseil d’administration de l’INSEAD, où elle préside le comité de Nomination, Gouvernance et Rémunération, ainsi que membre de la Global Alzheimer Platform Foundation à Washington D.C. et de la Fondation Abeona.
Elle est également l’auteure de « La Tech va humaniser la santé » (2021), dans lequel elle explique comment l'innovation technologique révolutionne la recherche médicale et transforme la gestion des patients. Chevalier de la Légion d’Honneur, Pascale a figuré parmi les 20 femmes les plus puissantes au monde selon le classement Fortune en 2014 et 2015.
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