La puissance de l’économie américaine s’est longtemps caractérisée par la force de son industrie automobile. Cette dernière, au travers des célèbres Big Three, employait des millions de travailleurs sur l’ensemble du territoire.
La capitalisation boursière cumulée des trois grands constructeurs ne dépassait cependant pas une valeur de plus de 350 milliards de dollars, au pic de leur valorisation.
Aujourd’hui, les désormais célèbres GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft) totalisent 4 200 milliards de dollars de valorisation sur les marchés pour une masse salariale d’un million de personnes. Cet exemple, fréquemment repris dans les milieux économiques, ou même utilisé par la classe politique, n’est cependant que l’illustration la plus visible d’une nouvelle finance dont le fonctionnement a été totalement bouleversé au cours des dernières décennies.
Une très faible intensité capitalistique
Les leaders de la nouvelle économie digitalisée et dématérialisée se caractérisent avant tout par une très faible intensité capitalistique. Facebook est né dans une chambre de campus universitaire partagée par deux jeunes étudiants.
Apple a vu le jour dans le garage des parents de Steve Jobs, avant que lui et ses deux amis ne fondent officiellement leur société l’année suivante. Plus récemment, un analyste financier américain nous racontait que pour fonder une société de logiciels, il suffisait « d’acquérir un bâtiment, d’y héberger des ingénieurs... et de les nourrir avec des pizzas » ! Ce changement de modèle peut d’ailleurs expliquer pour partie la baisse relative de l’investissement comme élément constituant du Produit Intérieur Brut (PIB).
Des niveaux d’endettement extrêmement faibles, voire négatifs
Une si faible intensité capitalistique permet en outre, et surtout, de générer d’importants flux de trésorerie, les désormais célèbres cash flow. Ces derniers offrent à l’entreprise la capacité de s’autofinancer de manière plus massive et donc de ne pas ou de peu recourir aux banques via le crédit ou aux marchés financiers via l’émission d’obligations. La nouvelle finance se caractérise ainsi par des niveaux d’endettement extrêmement faibles, voire négatifs. Des sociétés comme Adobe ou Intuit, acteurs significatifs de l’industrie du logiciel, sont notées AA par les agences, Microsoft AAA ! Des notations qui feraient pâlir d’envie la plupart des grands États de l’OCDE et qui surpassent de loin la notation moyenne des sociétés de l’ancien monde.
Des dividendes extrêmement bas et des taux de distribution quasi nuls
Dans la plupart des cas, les flux de trésorerie générés excèdent les besoins de financement de l’entreprise, leur offrant de confortables réserves qu’elles peuvent allouer à d’autres usages, notamment aux rachats d’actions.
La nouvelle finance se caractérise par des dividendes extrêmement bas et des taux de distribution ou « pay out » quasi nuls. La nouvelle finance préfère, en effet, largement recourir à des programmes de rachats d’actions. En annulant ses propres titres, la société génère alors un effet relutif sur son capital et augmente mécaniquement la valeur unitaire de ses actions. Ce faisant, elle gonfle son PER (Price Earning Ratio) - l’instrument de valorisation phare des analystes financiers - ou rapport du cours de l’action d’une entreprise sur ses résultats.
Quelle pérennité pour cette nouvelle finance ?
D’aucuns s’interrogent sur la pérennité de cette révolution financière nous rappelant par exemple l’éclatement de la bulle Internet en 2000. À la différence d’il y a 20 ans, ces sociétés ont démontré leur capacité à générer des résultats opérationnels mais aussi des bénéfices, tout en répondant au développement des acteurs de la digitalisation et de la dématérialisation de notre société.
Cette nouvelle finance ne saurait évidemment s’appliquer à l’ensemble des secteurs économiques. En tant qu’investisseur, l’ignorer constitue cependant un manquement important tant les perspectives de croissance qu’elle procure sont importantes.