L’industrie des semi-conducteurs est fascinante
Elle regroupe les entreprises et centres de recherche qui conçoivent et fabriquent l’ensemble des capteurs et des puces à l’intérieur des téléphones, des ordinateurs, des serveurs, des appareils photos, des automobiles et des produits électroniques en tout genre (consoles de jeux, électroménager, automate, cockpit). Certaines puces sont des bijoux de technologies. En 2022, le marché des semi-conducteurs s’élève à 640 Mds de dollars, soit quasiment 5x plus qu’en 2001, et 2x plus que le marché des biens de luxe personnels. Le marché des semi-conducteurs devrait dépasser 1 000 milliards de dollars en 2030.
Pour produire toutes ces puces, les défis technologiques sont énormes. En effet, les chercheurs s’efforcent à maîtriser l’infiniment petit. Ils commencent par imaginer l’architecture de la puce : c’est-à-dire un réseau de milliards de transistors1 reliés entre eux qui prennent chacun la valeur de 0 ou 1. Ensuite, cette architecture est imprimée sur des wafers2, découpés en petits carrés de quelques centimètres, qui sont ensuite intégrés à un système électronique. Par exemple, les processeurs les plus puissants d’aujourd’hui comptent plus de 50 milliards de transistors sur une surface de 6 cm². Depuis l’invention du 1er microprocesseur par Intel en 1971, qui comptait 2 300 transistors, la densité de transistors par puce a été multipliée par environ 2 tous les 2 ans, au rythme de la prédiction de Gordon Moore en 1965.
Moore avait aussi prédit que l’industrie miniaturiserait les transistors à iso-coût. C’est la raison pour laquelle chaque nouvelle génération d’ordinateur, de téléphone ou serveur coûte aussi cher que la précédente mais avec un doublement de leur puissance de calcul. Cette règle empirique a fonctionné plus de 40 ans en particulier chez Intel, le leader incontesté du secteur entre 1990 et 2010.
Toutefois, depuis les années 2010, la loi de Moore ralentit et est de plus en plus coûteuse chez lntel et ses concurrents asiatiques Samsung et TSMC. Par ailleurs, depuis 2013, une nouvelle catégorie de programmes informatiques et de logiciels est imaginée : ce sont les programmes d’intelligence artificielle (IA). Leur demande de puissance de calcul double tous les 4 mois, soit 6x plus rapidement que la loi de Moore. Qu’est-ce qu’un programme d’IA ? Comment l’IA a-t-elle pu émerger alors que la loi de Moore s’essouffle ? Comment quelques acteurs de l’industrie sont-ils parvenus à dépasser la loi de Moore, incarnée par Intel ?
Qu’est-ce qu’un programme d’intelligence artificielle ?
L’IA est un algorithme3 dont le code a été généré de manière autonome. Un gros volume de données permet de formuler l’algorithme. On appelle ce processus l’entraînement de l’IA ou encore l’apprentissage automatique. Une fois l’IA entrainée, le programme est mis en production. Les chats bots, les systèmes de recommandation de Netflix ou Spotify, les systèmes de conduite autonome chez Tesla, les traductions automatiques de Google sont toutes des IA. Leur code n’a pas été écrit par un développeur mais auto généré. Ce type de programme a tendance à se diffuser à l’ensemble de notre économie et aux sciences (météorologie, géologie, astronomie, pharmacie…).
La chute d’Intel, l’avènement de Nvidia
Source : Bloomberg
Au début de l’année 2014, la capitalisation boursière de Nvidia était de 9 Mds de dollars contre 115 Mds de dollars pour Intel. Elle est aujourd’hui de plus de 300 Mds de dollars pour Nvidia contre 110 Mds de dollars pour Intel.
Quand Jensen Huang a fondé Nvidia au début des années 1990, il avait l’objectif de concevoir des puces, nommées GPU (Graphic Processing Unit) pour obtenir un meilleur rendu graphique que les processeurs d’Intel, nommés des CPU (Central Processing Unit). Entre 1990 et 2000, Nvidia est devenu le leader des puces pour les jeux video. Depuis 2007, Nvidia conçoit des puces qui permettent d’accélérer les calculs scientifiques et les programmes d’IA. A partir de 2016, les GPUs conçus par Nvidia sont présents dans les superordinateurs, et les centres de données des entreprises. Les GPUs de Nvidia sont maintenant 1000x plus puissants que les CPUs d’Intel.
Source : Bloomberg
Ces 10 dernières années, alors qu’Intel ne parvenait plus à relever les défis techniques pour miniaturiser ses transistors, Nvidia a, au contraire, concentré sa recherche sur la conception de meilleures architectures beaucoup plus adaptées à l’IA que les processeurs d’Intel. En bref, Nvidia est un des pionniers du domaine de l’IA. La vision de Jensen Huang et les GPUs de Nvidia ont véritablement permis à l’IA d’émerger.
Et demain, à quoi ressembleront les puces ?
John Hennessy4 et David Patterson, tous les deux lauréats du prix Turing de 2017 (une décoration propre à l’industrie des semi-conducteurs), affirment que l’industrie des semi-conducteurs vit un nouvel Age d’or en ce qui concerne l’architecture des puces. Il y a notamment de plus en plus de puces spécifiques à certains domaines, et d’architectures de puces opensource5. Quelques exemples témoignent de cette évolution : Amazon conçoit ses propres processeurs les Graviton, les serveurs de Google tournent sur ses TPUs, Apple s’est passé d’Intel pour ses MacBook qu’il équipe de ses Achips, Ampere fondé par un ancien d’Intel en 2018 imagine de nouvelles générations de CPU, Tesla équipe ses voitures de sa propre puce de conduite autonome…
La valeur boursière des entreprises de semi-conducteurs est aujourd’hui de moins de 5% de la valeur boursière mondiale6, soit environ 2 600 Mds de dollars contre 5 000 Mds de dollars en début d’année 2022, soit une baisse de 48% en dollars. Depuis 2012, la création de valeur boursière est extraordinaire : 10 000 € investis dans cette industrie en 2012 en vaudraient aujourd’hui quasiment 100 000 €7. La forte correction, depuis le début de l’année, pourrait donc attirer l’attention des investisseurs qui souhaiteraient profiter de la poursuite des tendances des 10 dernières années.
Achevé de rédiger le 28/10/2022 par Guillaume Ozon, analyste au sein de Dubly Transatlantique Gestion.