La crise du Covid-19 a littéralement pris les pays occidentaux par surprise. Le virus, né en Chine à la fin de l’année 2019, dans un premier temps contenu s’est brutalement développé au début du mois de mars en Europe puis aux États-Unis. Totalement non préparés à cette pandémie, les pays occidentaux n’ont dans l’ensemble eu d’autre défense que de confiner leur population plus ou moins strictement.
Il en est résulté une économie à l’arrêt, une récession brutale (de l’ordre de 3% de PIB par mois et 8% annuel), une montée vertigineuse du chômage total ou partiel (8 millions en France, 24 millions aux États-Unis) et des déficits abyssaux dans les comptes des entreprises, des États, des assurances sociales, sans oublier une situation critique dans les pays émergents.
Les marchés financiers, qui eux aussi n’ont pas vu venir la crise, étaient euphoriques jusqu’à la fin février puis ont plongé très vite de façon vertigineuse (entre -30 et -50%), mais à partir de fin mars ont repris un peu de hauteur pour se stabiliser depuis quelques jours sur un repli depuis le 1er janvier 2020 de -15 à -30% (CAC -25%, Standard and Poor’s -13%).
Sur le plan obligataire, les obligations hors obligations d’États très bien notées, ou même avec des notations moyennes, étaient attaquées tandis que les agences de notation révisaient aussi leurs appréciations à la baisse.
Aujourd’hui, l’heure est au déconfinement
Comment repartiront les économies (si tant est que l’on ne soit pas obligé de reconfiner car le virus continuera à circuler) ? Connaîtra-t-on à nouveau une croissance qui effacera le « trou d’air » vécu depuis mars ? Bref, la crise sera-t-elle uniquement conjoncturelle ou deviendra-t-elle structurelle ?
Les gouvernements et les institutions financières internationales ont été surpris par la crise, mais il faut reconnaître qu’ils ont réagi rapidement et avec vigueur pour essayer de contrer les effets négatifs de la propagation du virus.
En fait, ils étaient confrontés à un double problème. Il fallait à la fois soutenir l’offre et soutenir la demande.
Soutenir l’offre, cela revenait à soutenir les entreprises, les producteurs de biens et de services qui ont vu leur chiffre d’affaires chuter.
La réaction des gouvernements a été à la hauteur
Prenons deux exemples : la France et les États-Unis, sachant que les mesures prises ont été peu ou prou les mêmes dans les autres pays développés.
En France, ont été mis en place un dispositif de report de paiement des charges sociales ; une augmentation des garanties publiques accordées aux entreprises demandant un crédit (300 Md € soit 12% du PIB) ; une augmentation des fonds alloués au dispositif d’assurance chômage partiel ; un fonds de solidarité pour les entrepreneurs, les commerçants et les artisans. Le coût de ces mesures est élevé à 100 Md d’euros, soit 4,5% du PIB.
De leur côté, les États-Unis ont décidé d’allouer 380 Md de $ pour aider les petites entreprises à payer les salaires ; 500 Md de $ de prêts, de garantie de prêt ou de prise de participation pour aider les secteurs en difficulté, ainsi que les collectivités locales ; 300 Md de $ de reports de paiement des impôts.
Des mesures pour aider les personnes les plus touchées
Parallèlement, les États ont pris des mesures exceptionnelles pour soutenir la demande et venir en aide aux populations les plus touchées par la crise.
En France, les dispositifs d’indemnisation de chômage partiel sont considérés comme étant très protecteurs et le gouvernement a décidé d’abonder les fonds alloués à l’assurance chômage.
Aux États-Unis, les ménages à revenus modestes ont reçu 300 Md de $ sous la forme de paiement direct (1200 $ par adulte et 500 $ par enfant) et l’assurance chômage a été renforcée (250 Md de $).
Forte réactivité des institutions financières
Parallèlement, les institutions financières internationales, banques centrales, FMI, Banques Européennes d’Investissement faisaient, elles aussi, preuve de réactivité et ont annoncé des mesures exceptionnelles pour soutenir l’économie.
Ainsi, la Banque Centrale Européenne (BCE) a immédiatement annoncé (le 18 mars) qu’elle était disposée à racheter 1000 Md d’euros d’obligations d’ici la fin de l’année, portant ses achats mensuels de 80 Md à 120 Md d’euros. Elle a annoncé aussi qu’elle assouplirait les conditions de garanties auxquelles devaient se soumettre les banques qui viennent lui emprunter de l’argent.
De même, la Banque Centrale américaine (FED) a elle aussi annoncé le 18 mars qu’elle procéderait pour un montant illimité à des rachats auprès des banques de bons du Trésor et de titres adossés à des créances hypothécaires, qu’elle prenait des mesures pour aider le marché des prêts aux étudiants, des crédits à la consommation et des crédits aux municipalités, qu’elle achèterait indirectement des obligations d’entreprises mal notées émises par des sociétés américaines, et qu’elle leur ferait aussi des facilités de crédit avantageuses.
Le 8 avril, la FED allait encore plus loin en annonçant des nouvelles facilités de prêt pour une valeur de 2300 Md de $, afin d’accorder des crédits aux entreprises et aux municipalités.
Enfin, l’Eurogroupe (réunion des 19 ministres des Finances dans la zone euro, du président de la BCE et d’un représentant de la commission européenne) a annoncé prêter 200 Md d’euros aux PME et 500 Md d’euros aux États membres.
Des discussions (difficiles) sont en outre en cours sur le lancement d’émissions d’obligations dites « coronabonds », obligations garanties par l’ensemble des pays de la zone européenne. Ce serait une grande première car jusqu’à maintenant les « pays du nord » s’étaient toujours opposés à ce type d’émission.
Qu’en est-il des pays émergents ?
Enfin, une zone préoccupe énormément les acteurs économiques : ce sont les pays émergents.
Ces pays sont victimes de l’effondrement du prix des matières premières qu’ils exportent, d’un système de santé faible et de la fuite des capitaux et de ce que leurs banques centrales n’ont pas les moyens de mettre en œuvre, contrairement à celles des pays avancés.
Une centaine d’entre eux est venue demander de l’aide au FMI qui est capable de mobiliser une centaine de Md de $ pour les aider et qui va probablement rétablir les D.T.S (Droit de Tirage Spéciaux) qu’ils pensent actionner pour trouver de l’argent. En outre, il est question que les pays avancés annulent une partie de leurs dettes.
C’est donc par une mobilisation exceptionnelle de son ampleur et sa vigueur qu’ont répondu les grandes institutions financières internationales.
Leur objectif a été de donner aux États et aussi aux sociétés des moyens financiers quasi illimités pour que ceux-ci, à leur tour, puissent soutenir l’offre et la demande et se positionnent comme des prêteurs en dernier ressort.
Cette abondance d’argent donne le tournis
Au total, ce seront plus de 5000 Md de $ qui seront déversés sous différentes formes dans l’économie pour soutenir à la fois l’offre et la demande. Il en résulte, pour les États, une montée colossale de l’endettement (environ 15 points de PIB pour la France dont la dette passera en un an de 100 à 115% du PIB et de 83% à 101% du PIB pour les États-Unis). Il en sera de même pour tous les pays.
Cela suffira-t-il pour soutenir et relancer l’économie ? Ce niveau de dette est-il supportable ?
Il est encore un peu tôt pour répondre à la première question d’autant qu’il semble que la reprise à la sortie du confinement soit lente et progressive. C’est ce que l’on observe en Chine. Cependant, le FMI prévoit 3% de décroissance au niveau mondial en 2020, et une reprise de 5,4% en 2021.
On peut, semble-t-il, accorder du crédit à ces prévisions d’autant que tous les États et les institutions financières déverseront sur l’économie encore plus d’argent si cela était nécessaire.
Le fragile édifice qu’ont mis en place les États, les organisations financières en moins d’un mois avec une réactivité exceptionnelle et une solidarité (quasi) exemplaire ne tiendra que si les taux d’intérêt restent bas.
Si ceux-ci montent, tout s’effondrera car les États auront les plus grandes difficultés à rembourser leurs emprunts.
Si ceux-ci évoluent dans les niveaux actuels, il ne devrait pas y avoir trop de problèmes.
Pour les grands pays (États-Unis, Allemagne, France,...) les taux d’intérêt sont voisins de 0 et le coût du surplus d’endettement sera faible. Et l’on peut compter sur les Banques centrales pour procéder à des rachats sur la dette des pays « périphériques » (Italie, Espagne, Portugal, Grèce) pour contenir la pression à la hausse sur l’évolution des taux de leurs emprunts.
Il semble aujourd’hui, vu les moyens des banques centrales, raisonnable de parier sur le maintien à un niveau bas des taux sur les 2 ou 3 prochaines années.
Qu’en sera-t-il de l’inflation/déflation ?
Là aussi il est difficile de répondre. Il y aura très certainement des goulots d’étranglement à la sortie de la crise sanitaire, des secteurs où la demande sera plus forte que l’offre et dans lesquels le prix des marchandises et des services monteront.
À l’inverse, il y aura des secteurs où l’offre sera beaucoup plus importante que la demande et où les prix baisseront, d’autant que le prix du pétrole a aussi chuté depuis janvier. Mais il est probable qu’assez vite cela se régularisera.
Il n’empêche que viennent d’être mis dans l’économie une quantité phénoménale de signes monétaires et qu’il est peu probable que les banques centrales les retirent du circuit.
Quelle sera l’attitude des agents économiques devant cette abondance de liquidités ? Fuite devant la monnaie ? Achats de biens réels (actions, immobilier, or) ?
À cet égard, le récent rebond des marchés (20% environ sur les trois premières semaines d’avril) et surtout l’excellente tenue des cours de l’or depuis le 1er janvier (+23%) sont peut-être des signes annonciateurs de cette fuite, donc de la hausse future des marchés.
Les marchés sont, dans ces périodes d’incertitude, soumis à de nombreuses forces divergentes surtout à court terme. Si la crise sanitaire s’éloigne, il est donc raisonnable de parier cependant sur une hausse des indices fondée sur des taux bas et sur une reprise de la croissance.
Depuis la crise, les marchés ont d’ores et déjà envoyé des signaux forts. Ils ont été très sévères avec les secteurs de l’automobile, de l’aviation, des banques, des assurances, du loisir, du tourisme, de l’immobilier commercial, et il est très probable que ces secteurs ne retrouveront pas de sitôt leur faveur.
En revanche, ils continuent de privilégier les secteurs de la technologie, de la santé, de la consommation et il est très probable qu’ils continuent à le faire dans les mois qui viennent.
Cette crise va certainement accélérer (encore) les changements structurels
L’économie numérique, de la connaissance, de l’éducation en ligne, de la vente en ligne, de l’e-commerce, du télétravail et des plateformes d’échange sécurisées par la blockchain, seront les vecteurs de croissance de demain.
« Les temps changent et il nous faut changer avec eux ». Il faudra faire preuve d’audace pour accompagner ces changements dans la gestion de nos portefeuilles. C’est ce que nous faisons depuis quelques années.
La gestion obligataire a connu avec la crise une période difficile car seules les obligations des États très bien notées ont trouvé grâce auprès des investisseurs. Toutes les autres ont été dégradées et leurs cours ont chuté, parfois sévèrement. Les mois qui vont venir vont être difficiles, car suite à la crise, des faillites pourraient survenir et les agences de notation de toute façon dégraderont certaines signatures et le cours de ces émetteurs en seront affectés.
Grâce à notre gestion prudente mise en œuvre depuis plusieurs mois, nos performances n’ont pas subi ces dégradations. Nous allons continuer dans cette voie en attendant que le ciel économique s’éclaircisse.
« C’est quand la mer se retire que l’on voit ceux qui nagent nus » dit Warren Buffett (financier américain). La mer vient de se retirer malheureusement à cause du Coronavirus.
Notre gestion action et obligation en a subi les effets mais suite aux choix des secteurs, des valeurs et aux soins apportés dans l’analyse de la qualité des signatures dans lesquels nous investissons, les dégâts ont été limités. Nous considérons que nous sommes dans la bonne voie.
En bourse, chaque crise est une opportunité. Celle-ci n’échappe pas à la règle. Sachons la saisir !