La Banque Transatlantique donne la parole régulièrement à des philanthropes engagés.

Aujourd'hui, Bénédicte Gueugnier, présidente de la Fondation Alter & Care sous égide de la Fondation Caritas France, évoque pour nous les motivations de son engagement au service de l’intérêt général et sa conception d’une philanthropie familiale.

Vous avez été administratrice de nombreuses structures philanthropiques ces dernières années. Quelles sont les origines et les motivations de votre engagement philanthropique ?

À l’origine, il y a une conviction personnelle qui repose sur la responsabilité qu’ont les personnes privilégiées vis-à-vis des plus démunis et que les anglo-saxons résument parfaitement par la notion de « give back » : rendre à la société ce dont vous avez bénéficié naturellement grâce à votre contexte familial, social, culturel ou économique. L’égalité des chances, ou plutôt l’inégalité des chances, a donc été un moteur important de mon engagement philanthropique.

Restait à trouver un terrain d’application. Dans le cadre de La Financière de l’Echiquier, l’entreprise familiale cofondée par mon mari et mon frère, j’ai eu l’opportunité de créer la Fondation du même nom. Je l’ai dirigée avec enthousiasme pendant 15 ans, grâce notamment au lancement et au développement d’un programme d’égalité des chances : Les Maisons des Jeunes Talents, qui loge et accompagne à Paris des jeunes issus de milieux modestes pendant toute la durée de leurs classes préparatoires aux concours des grandes écoles. Près de 100% d’intégration chaque année !

Quelle joie de voir ces élèves talentueux surmonter les obstacles académiques et socio-culturels de cette filière d’excellence, et y réussir !

Vous présidez actuellement la Fondation Alter & Care. Quelles causes soutenez-vous et quels sont les projets qui vous tiennent à cœur ?

Dans le prolongement de la Fondation Financière de l’Echiquier, notre fondation familiale soutient des associations agissant dans les domaines de l’éducation et de l’insertion sociale et professionnelle, qui s’adressent toutes à des publics défavorisés. L’objectif : prévenir l’exclusion grâce à l’éducation, clé d’un avenir meilleur, et tenter de la guérir en facilitant la sociabilisation et l’accès à l’emploi.

Par exemple, nous avons apporté notre concours à Pas à Pas l’Enfant (PPE) qui met au cœur de son action l’absolue nécessité de lecture du soir pour les jeunes enfants ainsi que la lutte contre les écrans. Nous avons également soutenu Café Joyeux qui regroupe plusieurs cafés restaurants et qui réalise un extraordinaire travail d’insertion des personnes handicapées, en apportant la preuve que celles-ci sont employables en milieu ordinaire.

Était-il naturel pour vous d’associer vos trois enfants à votre démarche philanthropique ?

Associer dès l’origine nos trois enfants à la gouvernance de la fondation a été une évidence. Il nous importait, mon mari et moi, de les sensibiliser et de les impliquer dans les sujets de l’altruisme, de la générosité et plus généralement dans celui de l’intérêt général.

C’est chose faite puisque notre fondation est désormais dirigée par notre fille Lucie, qui a choisi d’abandonner le secteur lucratif pour dédier son temps professionnel au « non-profit ». Il lui revient d’informer son frère et sa sœur de l’activité de la fondation, de les faire participer aux décisions de soutien financier et d’en partager les perspectives de développement.

Vous être vice-présidente de l’association Un Esprit de Famille. En quoi son rôle vous semble-t-il essentiel ?

L'association Un Esprit de Famille est née de la volonté de donner de la visibilité aux fondations familiales et à leurs spécificités.

La philanthropie familiale occupe une place à part et se distingue tout d’abord par l’origine de ses flux financiers, qui proviennent de la générosité d’une personne physique ou d’une famille. Par ailleurs, elle se caractérise, vis-à-vis des associations qu’elle soutient, par un engagement sur le long terme, une proximité, une capacité à soutenir des expérimentations, le tout sans contrepartie, autant d’atouts qui la rendent très efficace.

Forte de ce constat, l’association regroupe désormais 120 membres, tous fondateurs familiaux, et affiche clairement son ambition : être l’acteur de référence de la philanthropie familiale et privée en France.

Les missions de l’association reposent sur la certitude que la philanthropie familiale a un rôle important à jouer pour le bien commun, en complémentarité de l’action publique. Concrètement, Un Esprit de Famille favorise les échanges entre pairs, optimise leurs pratiques par la formation et le partage d’expériences, encourage la structuration de la philanthropie familiale et développe la culture du don par le témoignage.

Selon vous, quels sont les prochains enjeux pour la philanthropie française ?

En la matière, la France bénéficie d’un régime fiscal unique au monde. Il est important de le préserver en œuvrant vis-à-vis des pouvoirs publics pour démontrer que la philanthropie ne doit pas se résumer à une niche fiscale mais qu’elle agit concrètement et efficacement en faveur d’une société française plus harmonieuse, plus apaisée, plus solidaire.

Un autre enjeu est l’éducation à la philanthropie qui participerait à sa valorisation. La France ne bénéficie pas d’une culture philanthropique très développée à la différence de ses voisins européens. Prenons le mal à la racine ! Par exemple notre fondation Alter & Care et Un Esprit de Famille ont soutenu L’Ecole de la Philanthropie qui propose aux 8-11 ans un programme de sensibilisation à l’intérêt général et de mise en œuvre d’actions solidaires.

Plus globalement, il existe un enjeu de sensibilisation et de motivation des professionnels de la gestion des patrimoines familiaux, qui ne sont pas suffisamment proactifs dans la promotion de la philanthropie, sauf exceptions dont fait partie la Banque Transatlantique.

Enfin, les fonds de dotation, qui ont été créés à l’origine pour démocratiser la structuration de la philanthropie, souffrent de leur appellation qui porte à confusion et d’un contrôle renforcé, alors qu’ils représentent 80% de la nouvelle philanthropie sur les 10 dernières années. Il est grand temps de leur redonner leurs lettres de noblesse car ils participent activement à la modernité et au développement de la philanthropie en France !

Repères biographiques

Bénédicte Gueugnier

Diplômée d’Histoire de l’Art et de Sciences-Po Paris, et après 8 ans chez Unibail, Bénédicte Gueugnier rejoint en 1996 La Financière de l’Echiquier, une société de gestion créée en 1991 par son frère et son mari, pour prendre en charge la Direction Marketing-Grands Comptes de l’entreprise familiale.

A partir de 2005, elle bâtit la Fondation Financière de l’Echiquier, sous l’égide de la Fondation de France, à vocation solidaire, pour fédérer les collaborateurs autour d’un projet philanthropique axé sur l’Education et l’Insertion Sociale et Professionnelle en France. Elle crée en 2010 Les Maisons des Jeunes Talents, un programme d’égalité des chances à destination d’élèves boursiers pour favoriser leur accès aux grandes écoles.

En 2015, avec son mari et ses trois enfants, elle lance la fondation familiale Alter & Care, sous l’égide de la Fondation Caritas France, dont les axes de soutien sont les mêmes que ceux de la fondation d’entreprise.

Elle est aussi vice-présidente de l’association Un Esprit de Famille, administrateur de la Fondation Pierre Bellon, de la Fondation Anber, du mouvement Changer par le Don et présidente de la Fondation Le Rocher.

En savoir plus :

La Maison des Jeunes Talents
Fondation Alter & Care
Un Esprit de Famille