Un surplus de capital pour les entreprises
Depuis 10 ans, les taux ont fortement baissé. Les politiques monétaires accommodantes en sont la première cause. De plus, il semblerait que la demande de capital des entreprises est moins importante grâce à la hausse de leur marge. Enfin, plus la population vieillit plus sa propension à épargner augmente, ce qui génère du capital disponible pour financer les entreprises. Ces deux tendances ont donc entraîné un surplus de capital pour les entreprises. Ce phénomène a sans doute aussi fait pression à la baisse sur les taux d’intérêt.
Pourquoi les marges des entreprises ont été plus importantes ces vingt dernières années ?
Quatre raisons principales semblent expliquer la hausse des marges des entreprises ces 20 dernières années : la délocalisation de la production dans les pays à bas coûts de main d’œuvre (1), la modération salariale dans les pays occidentaux (2), la baisse des impôts des entreprises (3) et la baisse des frais financiers (4).
Ces quatre tendances ont permis aux entreprises de maximiser leur marge au profit des actionnaires. À titre d’exemple, la marge nette des entreprises américaines est passée de 8%, au début des années 2000, à 10% aujourd’hui, voire 11% pour les entreprises du S&P 500.
La délocalisation de la production
La théorie économique a montré que les entreprises arbitrent entre le travail et le capital en fonction de leurs coûts pour produire. Or depuis 20 ans, il semble que les entreprises ont préféré délocaliser leur production dans les pays à bas coûts de main d’œuvre au lieu d’investir dans des équipements plus productifs. En effet, le salaire d’un ouvrier en 2016 en France est en moyenne de 13 $/heure, alors qu’il est seulement de 3,6 $/heure en Chine et de 0,2 $/heure au Bangladesh.
La modération salariale
Bien que la plupart des pays occidentaux soit en situation de plein emploi ou en voie de l’être, les hausses de salaires sont, ces dernières années, assez faibles. Selon Eurostat, la hausse du coût horaire du travail dans l’Union Européenne a oscillé entre 3% et 5,5% entre 1999 et 2007, alors que depuis 2010, l’inflation salariale oscille entre 1% et 2,5%.
Les baisses d’impôts
Les pays occidentaux ont baissé les impôts des entreprises. Par exemple, le taux d’impôt effectif des entreprises aux États-Unis est tombé à moins de 15% en 2018 alors qu’il était de plus de 20% en 2017, avant la réforme fiscale de Trump, et de 35% au début des années 2000 selon la réserve fédérale américaine.
Au sein de l’Union Européenne, le taux d’impôt effectif est passé de 22,1% en 2007 à 19,8% en 2018 selon le ZEW (L’indice ZEW est publié par Zentrum für Europäische Wirtschaftforschung, le Centre pour la recherche économique européenne basé à Mannheim en Allemagne. Cette organisation à but non lucratif publie sur son site tous les mois le niveau du ZEW).
La baisse des frais financiers
Depuis 2000, le taux des obligations américaines a fortement baissé. Par exemple, le taux des obligations bien notées (AAA - Le sigle AAA ou également prononcé triple A est la note maximale qu’une entreprise ou un pays puisse obtenir auprès des agences de notation) a quasiment été divisé par 2 sur cette période pour s’établir autour de 4% en 2018. Cela a permis aux entreprises de fortement alléger leur frais financiers.
Pourquoi la capacité de financement des particuliers est aujourd’hui plus importante ?
En France, le taux d’épargne est d’environ 15% du revenu disponible1 en moyenne en 2017, tandis qu’en Chine, il serait autour de 37% du revenu disponible selon l’OCDE en 2015, et celui américain avoisine les 7,5% selon le U.S. BEA. Plusieurs raisons peuvent expliquer ce fort taux d’épargne.
Là encore, le vieillissement de la population concourt à ce fort taux d’épargne. En effet, on emprunte quand on est jeune et on épargne de plus en plus, au fur et à mesure que l’on vieillit. De plus, en Chine, le rétrécissement à la base de la pyramide des âges oblige les jeunes à épargner pour aider leurs parents voire grands-parents.
Conclusion
La demande de capital des entreprises a donc tendance à diminuer sur le long terme, alors que l’offre de capital des particuliers a tendance à augmenter. Par conséquent, les taux d’intérêt devraient rester bas, d’autant que les banques centrales semblent vouloir continuer à pratiquer leur politique monétaire accommodante pendant plusieurs mois.