Des anticipations favorables qui ont dynamisé les marchés
Les espoirs qui ont porté la reprise des marchés financiers depuis le début de l’année reposaient sur un accord sino-américain imminent, une politique accommodante des banques centrales, un redémarrage de l’économie chinoise et un maintien des cours du baril de pétrole autour de 50 dollars, susceptible d’accompagner une reprise de la consommation mondiale. Ces anticipations ont réveillé l’intérêt pour les actifs risqués au cours des quatre premiers mois de 2019. Fin avril, presque tous les indices actions avaient effacé la correction du 4ème trimestre 2018.
Les anticipations favorables ne se concrétisent pas
- L’industrie mondiale fléchit
Le mois de mai a connu une consolidation générale des bourses, de l’ordre de 6%. En effet, presqu’aucune des anticipations favorables envisagées ne s’est concrétisée. L’industrie mondiale fléchit régulièrement, contaminée par la situation particulièrement difficile dans laquelle se trouvent l’automobile et les biens d’équipement. La faiblesse marquée de ces deux secteurs clés affecte l’ensemble des secteurs manufacturiers.
L’indice des directeurs d’achat y poursuit sa dégradation et atteint désormais, sur presque toute la planète, son plus bas niveau depuis trois ans. Cette tendance se transmet depuis peu aux services, notamment aux États-Unis. Les entreprises subissent à la fois un contexte concurrentiel accru et des hausses salariales.
La relative satisfaction constatée sur les résultats du 4ème trimestre 2018 et 1er trimestre 2019 a laissé place à une révision de la croissance des bénéfices par actions pour l’année 2019, ramenée à 4%.
- Maintien des tensions sino-américaines
Le maintien des tensions entre les États-Unis et la Chine affecte les volumes et relance la compétition sur les prix, au détriment des marges des sociétés qui, dépourvues de « pricing power », ne peuvent augmenter leurs tarifs. Simultanément, les nouvelles taxes douanières ne manqueront d’impacter négativement la consommation.
- Un cours du baril du pétrole qui monte à 70 dollars
La pression de Donald Trump sur l’Iran et la détérioration du contexte géopolitique, ont favorisé une remontée du cours du brent qui est passé de 50 à 70 dollars en quatre mois. Le récent retour au niveau de 62 dollars résulte du ralentissement généralisé de l’activité et risque de ce fait de n’avoir que peu d’influence sur une conjoncture déjà affaiblie.
L’économie US est moins dynamique
Difficile de percevoir une tendance évidente en analysant à la fois le contexte macro et la prudence des banques centrales. Aux US, la faiblesse du secteur manufacturier se poursuit avec un ISM à 52.1 (-3 points en 2 mois) tandis que l’ISM Business des Services progresse pour dépasser à nouveau 60 à 61,2 (+3,8 points en 2 mois). Les créations d’emplois du secteur privé déçoivent avec 90 K mais l’ISM Emploi rebondit et le taux de chômage est à 3.6%. Les salaires progressent de +2.9% mais ils ne s’emballent pas tandis que la confiance des consommateurs tutoie ses plus hauts de 20 ans. Si le panorama semble satisfaisant, nous notons aussi un sur-stockage dans l’économie US depuis 6 à 9 mois qui pourrait impacter la croissance des 2T et 3T (+2%).
Dans ce scénario, le changement radical des anticipations entourant les taux court terme et la Fed avec près de 3 baisses de taux attendues contre 3 hausses il y a 6 mois semble tout à fait exagéré. L’économie US est moins dynamique et un trou d’air est prévisible à court terme mais rien ne peut justifier une posture aussi agressive dans une économie au plein emploi.
Eurozone : des services qui résistent mais une industrie qui souffre
Concernant l’Eurozone, la faiblesse des PMI manufacturiers se prolonge avec 47,7 en mai pour un 4ème mois en dessous de 50. L’Allemagne affiche même moins de 45 pour le 3ème mois consécutif et une situation de récession. À contrario, les PMI des Services étonnent par leur quasi-stabilité depuis 4 mois à 52,9 avec l’Allemagne à plus de 55 !
Une croissance à court terme mais...
La dichotomie se poursuit entre un monde industriel sensible aux tensions sur les échanges mondiaux et une économie des services sensible à des consommateurs européens dont la confiance est élevée. Créations d’emplois, hausses de salaires et baisses du chômage entretiennent la confiance et apporteront une certaine résilience à la croissance européenne. Même si elle restera limitée, la croissance du PIB devrait se maintenir à +1%/+1.5%.
Aux US comme en Eurozone, le consommateur est un gage de croissance à court terme mais il est difficile d’évaluer sa résistance face à la dégradation du secteur manufacturier et l’escalade des tensions commerciales. Le changement de posture de la Fed et de la BCE est certainement le meilleur reflet d’une visibilité trop dépendante du contexte politique qui peut lourdement impacter l’économie : tensions US-Chine, US-UE, Brexit, Italie, Iran, etc.